En 1999, le Ballet national du Canada a commandé à John Oswald une partition pour la voix enregistrée de Glenn Gould, piano robot, pianiste fantôme et orchestre, pour accompagner une chorégraphie de James Kudelka. Oswald a intitulé sa suite de compositions « The Idea of This ». Kudelka a intitulé le ballet « A Disembodied Voice » (Une voix désincarnée) en référence au fredonnement et au chant recréés de Glenn Gould dans le mouvement « ariature » qui constitue l’ouverture du ballet. La pièce a été créée en 2000 dans un programme intitulé « Inspired by Gould » qui s’est déroulé du 20 au 27 novembre au Hummingbird Centre de Toronto. La composition d’une demi-heure se compose de dix sections, chacune abordant certaines des préoccupations musicales de Gould sous un angle différent. Plusieurs innovations technologiques ont été utilisées par une équipe sous la direction d’Oswald qui a fait des recherches et créé des matériaux pendant la plus grande partie de l’année 1999.

L’enregistrement de l' »Aria » des « Variations Goldberg » de Glenn Gould en 1981 a été disséqué, ce qui a constitué une part importante de l’archéologie sonore. Pour commencer, le piano a été éliminé de l’enregistrement autant que possible, laissant les vocalisations involontaires de Gould comme un élément plus important. Christopher Butterfield, à Victoria, a effectué une transcription phonétique et musicale de cette ligne vocale. Lorsqu’il était difficile de déterminer un son, l’équipe s’est référée à une vidéo de la séance d’enregistrement de Gould pour étudier les mouvements de la bouche de Glenn.

Finalement, le frère de Christopher, le ténor d’opéra Benjamin Butterfield, a été enregistré en train de chanter une version de la transcription de Christopher, avec ses propres révisions. Christopher a également été enregistré, et plusieurs prises de sa version ont été superposées à la version solo de Benjamin pour produire un chœur de Glenns vers la fin de l' »Aria ». Oswald y a ajouté un arrangement de type klangfarbenmelodien (technique qui consiste à faire passer une ligne mélodique d’un instrument à l’autre, en changeant la couleur du timbre au fil du temps) pour orchestre en direct, ce qui a permis d’ajouter progressivement des indices quant à la source.

Pour les représentations de ballet, la voix monophonique de Gould « se promenait » en passant par plusieurs haut-parleurs cachés, depuis la scène jusqu’à la fosse d’orchestre où elle était rejointe par le chœur.

L’Ariature » a été immédiatement suivie d’un arrangement orchestral du « Panorama » du pianiste Reginald Godden qui condense toutes les « Variations Goldberg » en une minute et demie environ (cette partie du présent enregistrement est interprétée par Casey Sokol en tant que piano solo).

Pendant ce temps, à Toronto, Ernest Cholakis, qui est surtout connu pour avoir conçu les modèles de sillons que l’on trouve dans divers séquenceurs, a travaillé à la réalisation d’une transcription MIDI très précise de l’interprétation de l' »Aria » de Gould au piano. Cette transcription a été réalisée sur mesure sur un Disklavier Yamaha très similaire au piano que Gould a joué pour l’enregistrement original. Le résultat est une reproduction de la pièce beaucoup plus réaliste que ce que n’importe quel système hi-fi pourrait jamais recréer, avec en prime, pour certains auditeurs, l’absence de la voix de Glenn.

Petit rappel : John Oswald / Plunderphonics – Dab